Dr Coulibaly Mamadou du projet Target Malaria : « La pulvérisation intradomiciliaire et les Moustiquaires imprégnées ont montré leur limite, d’où la nécessité du » gene drive » »
Les enseignants chercheurs et les étudiants de la faculté de médecine et de pharmacie ont massivement répondu à l’appel du projet Target Malaria-Mali, pour sa deuxième session du café scientifique, qui a eu lieu ce mardi 16 avril 2019, dans le grand amphithéâtre.
Le thème retenu pour cette deuxième session du « café scientifique », qui est une tribune de vulgarisation de la science est : « l’utilisation de la technique du « gene drive” dans la lutte antivectorielle contre le paludisme ». Cette session a été animée par Dr Coulibaly Mamadou, PhD, PharmD. Lors de sa présentation, il a rappelé les statistiques sur le paludisme, les moustiques responsables du paludisme au Mali, la lutte antivectorielle contre le paludisme et les défis inhérents. En outre, il a démontré la nécessité de mettre en place des nouveaux outils de lutte contre le paludisme dont le « Gene Drive » ou impulsion génétique.
A l’entame de sa présentation, Dr Coulibaly a rappelé que « le paludisme reste encore un problème majeur de santé publique dans notre pays et dans le monde entier ». Le rapport 2018 de l’OMS fait cas de 219 millions de cas de paludisme à travers le monde entier, avec 435 000 cas de décès. Selon le même rapport, la transmission était active dans 87 pays à travers le monde entier. Dans 15 pays d’Afrique où les enfants payent le plus lourd tribut (70% des décès), 92% de cas ont été signalés avec 93 % décès.
Le paludisme n’est pas seulement un problème de santé publique, c’est aussi un problème économique. En 2017, il y a eu un investissement de 3,1 milliards de dollars US pour le contrôle et l’élimination du paludisme. Sur les 3500 espèces de moustiques détectés, une soixante d’espèces transmettent le paludisme. « En Afrique, et surtout au Mali, la plupart de la transmission est due à un groupe de 4 espèces très étroitement apparentées. Il s’agit notamment des : Anopheles gambiae, Anopheles coluzzii, Anopheles Arabiensis et Anopheles funestus…Seuls les moustiques femelles piquent et transmettent le parasite », précise-t-il.
Dr Coulibaly a évoqué les deux moyens de lutte antivectorielle utilisés contre le moustique dans notre pays, la pulvérisation intradomiciliaire d’insecticide et les Moustiquaires imprégnées d’insecticide.L’utilisation de la moustiquaire imprégnée, poursuit-il, a contribué à l’amélioration de l’Esperance de vie et à la réduction des cas cliniques de 68% entre 2010 et 2015.
Lutte antivectorielle contre le paludisme-défis
Selon Dr Coulibaly, la transmission du paludisme se fait aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des chambres, selon des études menées au Kenya… « Nous sommes dans un pays où il fait chaud, beaucoup reste au dehors jusqu’à 23 heures-minuit ; et pendant que nous sommes au dehors, nous avons plus de chance d’attraper le paludisme… Indique-t-il.Il a ajouté que des études dont les résultats sont parvenus à l’OMS, avaient également montré que sur 1400 sites, 80% de moustiques résistent à cette classe d’insecticide appelée la pinitoïde.
« Dans la lutte contre le paludisme, la pulvérisation intradomiciliaire d’insecticide et les Moustiquaires imprégnées d’insecticide ont déjà montré leur limite, d’où la nécessité de développer des nouveaux outils dont la technique du » gene drive ». Cette assertion de Dr Coulibaly atteste un propos du Directeur de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesustenuen novembre 2017 disant que » Les progrès antipaludiques avaient cessé et que nous risquons de compromettre les acquis de ces vingt dernières années. Il est clair que nous devons changer de cap et améliorer notre approche de la lutte contre le paludisme, notamment dans les pays où la maladie pèse le plus lourdement… ».
Pour répondre à leurs préoccupations, plusieurs outils ont été développés dont les moustiques génétiquement modifiés avec « Gene Drive » ou l’impulsion génétique.
Qu’est-ce que la technologie d’impulsion génétique ?
L’impulsion génétique est un phénomène génétique qui se produit dans la nature, et par lequel une caractéristique donnée se propage rapidement à travers une espèce en l’espace de plusieurs générations, par le biais de la reproduction sexuelle. Le rôle de l’impulsion génétique est d’augmenter la probabilité qu’un gène modifié soit hérité par la descendance.
Normalement, les gènes ont 50 % de chances d’être transmis à la descendance, mais les systèmes d’impulsions génétiques peuvent augmenter jusqu’à 99 % cette probabilité. Ainsi, sur plusieurs générations, une caractéristique donnée deviendrait de plus en plus courante au sein d’une même espèce.
Les chercheurs recherchent depuis longtemps des moyens permettant d’exploiter les phénomènes d’impulsions génétiques pour résoudre certains des problèmes qui se posent à la société. La santé publique et la préservation de l’écosystème sont deux domaines sur lesquels la recherche s’est focalisée, mais d’autres utilisations sont également envisageables.
Comment le projet Target Malaria utilise-t-il l’impulsion génétique ?
Nous voulons lutter contre le paludisme à sa source, Target Malaria utilise les approches d’impulsions génétiques pour introduire chez les moustiques vecteurs du paludisme une modification qui affecterait leur capacité à se reproduire, souligne Dr Coulibaly Mamadou. « Nous cherchons à minimiser la transmission du paludisme en réduisant la population de moustiques vecteurs de la maladie », il déclare.
Le projet Target Malariase penche actuellement sur deux principaux domaines : l’un afin de biaiser le ratio sexuel des populations de moustiques pour avoir plus de moustiques mâles que femelles et l’autre pour réduire la fertilité des femelles. Quand on introduit la nucléase chez le moustique vecteur du paludisme, précise Dr Coulibaly, elle identifie et coupe les gènes essentiels qui sont ciblés par nos chercheurs, comme les gènes de fertilité. Le gène ainsi « perturbé » ne pourra plus fonctionner et les moustiques modifiés seront affectés selon la nature et l’importance du gène.
L’objectif est de produire des moustiques modifiés qui transmettent ces gènes à un pourcentage disproportionnellement élevé de leur descendance puisque la modification se répand assez vite dans toute la population visée – on dit qu’elle est « autonome ». Ceci permet de réduire la population de moustiques vecteurs du paludisme simplement et de manière relativement économique. Les moustiques eux-mêmes font le travail.
Les travaux actuels de recherche sur l’impulsion génétique n’en sont qu’à un stade précoce, ce qui veut dire que la prise de décisions définitives sur les produits à base d’impulsion génétique serait, dans le meilleur des cas, prématurée. D’après les progrès réalisés à ce jour, les produits ne seront prêts pour des essais sur le terrain dans 5 ans au plus tôt. Ceci donne aux scientifiques et aux parties prenantes – particulièrement dans les pays où les produits d’impulsions génétiques pourraient un jour être utilisés – le temps de réfléchir aux questions importantes de réglementation, d’évaluation des risques, d’éthique et d’engagement, et de se préparer à l’évaluation d’une demande d’application, a-t-il conclu.
Ibrahima DIA, communication Officer-FMOS